Un activateur d'égalité réelle

Écrire pour résister : le Nüshu, l'arme secrète des femmes chinoises

05/09/25 |  , ,

Écrire pour résister : le Nüshu, l’arme secrète des femmes chinoises

Un langage féminin ancestral, inventé par et pour les femmes

Dans la Chine impériale, les femmes étaient exclues de l'éducation et de l'apprentissage de l'écriture, monopolisés par les hommes. Réduites au silence officiel, elles ont pourtant inventé un langage qui leur appartenait : le Nüshu (女书), littéralement « écriture des femmes ». Né dans la province du Hunan, ce système unique au monde a été un outil d’émancipation et un véritable héritage de transmission féminine.

Élaboré à partir de caractères chinois simplifiés et stylisés, le Nüshu a permis aux femmes d’écrire et de transmettre leur histoire. Dans un contexte où l'écriture officielle leur était interdite, le Nüshu est devenu un espace d'expression intime et collectif. Les femmes y racontaient leurs joies, leurs peines, leurs mariages imposés ou encore leur amitié indéfectible. C'était un langage fait par les femmes et pour les femmes, qui leur permettait de se reconnaître mutuellement et de résister à l'isolement.

La transmission se faisait de manière exclusivement féminine : mères, grands-mères, tantes et « sœurs jurées » enseignaient aux jeunes filles les caractères du Nüshu, souvent à l'adolescence. Ce savoir circulait dans des cercles de confiance et devenait un rite d'appartenance et de solidarité. Apprendre le Nüshu, c'était rejoindre une communauté où la parole des femmes pouvait enfin exister.

Au-delà de l'écriture, les femmes ont développé une véritable culture créative autour du Nüshu. Elles composaient des poèmes et des chants, brodaient des textes sur des vêtements, gravaient des caractères sur des éventails ou les consignaient dans de petits carnets, comme les San Zhao Shu offerts à une mariée trois jours après son mariage. Ces œuvres étaient à la fois des témoignages de vie et des gestes d'encouragement, porteurs de mémoire, de consolation et de sororité.

Peu à peu marginalisé au XXe siècle, avec l'alphabétisation généralisée des femmes et la modernisation de la Chine, le Nüshu a failli disparaître. Mais il connaît aujourd'hui une renaissance culturelle : musées, ateliers et projets éducatifs cherchent à préserver ce patrimoine unique. Sur les réseaux sociaux, notamment Xiaohongshu (équivalent chinois d’Instagram), le hashtag #Nushu cumule désormais des dizaines de millions de vues. Jeunes artistes, militantes et créatrices s'approprient à nouveau cette écriture comme symbole de liberté et de solidarité féminine, hier clandestine, aujourd'hui universelle.

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